Record du monde
Le 16 février 1994, le maître d’arme et fondateur du Shinkendo, Obata Toshishiro Kaiso, a réalisé un test rare, le kabutowari (fendre un casque), réalisant un nouveau record du monde en faisant une entaille de 13cm sur le casque !
Ce test a été fait en utilisant un sabre créé selon la méthode japonaise traditionnelle par le forgeron americain Paul Champagne. Le sabre avait été grossièrement poli et n’avait pas été «monté», en dehors d’une corde en nylon enroulée autour de la nakago (soie de la lame, prolongement de la lame dans le manche du sabre).
Un enregistrement vidéo de cet exploit est inclus dans le dvd «Shinkendo : Samurai Swordmanship». Des informations supplémentaires sur le test d’Obata Kaiso et sur les tests de sabres en général sont présentées dans le livre «Shinkendo Tameshigiri : Samurai Swordmanship & Test Cutting».
Article sur le Kabutowari (Avril 1995)
L’article présenté ci-dessous est paru dans la newsletter de la Fédération Internationale de Shinkendo (Volume 1, numéro 2, 1995).
Kabutowari
Depuis que des armes ont été utilisées contre des armures, les forgeurs de sabres et les fabricants d’armures ont cherché à surpasser le travail de chacun. Le but des forgerons était de produire des lames suffisamment aiguisées pour pénétrer une armure, tout en restant suffisamment solides pour être incassables, et suffisamment légères pour être manipulées de manière efficace. L’objectif des fabricants d’armures était de concevoir des armures qui ne pouvaient être transpercées par aucune arme, tout en étant assez légères et pratiques pour permettre à celui qui la portait le maximum de vitesse et de liberté de mouvement. Les samurai aspiraient à se procurer à la fois la meilleure armure et le meilleur sabre, d’où l’importance des tests de coupe. Le kabutowari, tests de coupe sur un casque d’armure, a une valeur historique particulière, non seulement parce que le casque pouvait causer des dégâts importants à un sabre, mais aussi parce que ces tests étaient inévitablement dangereux pour celui qui les pratiquait.
Histoires et légendes
Durant l’ère Kamakura, il y avait de nombreux forgerons célèbres (Masamune, Muramasa, Sadamune, ...) fabriquant des lames exceptionnelles. Cela fut la source d’histoires et de légendes sur la capacité d’un nihonto de trancher non seulement la pierre, mais aussi les démons ! À la fin du 16ème siècle, dans les montagnes de la province de Bichu (Préfecture d’Okayama), une rumeur disait qu’un démon tendait une embuscade aux passants, apparaissant sous la forme d’une femme souriante portant un enfant. Une nuit, Nakajima Kuridayu fut surpris par l’apparition de ce démon. Instinctivement, il dégaina et décapita le fantôme, qui disparut. Le lendemain, Nakajima retourna sur place pour la voir à a lumière du jour, et trouva deux statues en pierre sans leurs têtes ! Le fantôme ne reparut plus et le sabre qui avait tranché la pierre fut par la suite renommé «Nikkari Aoe», «Aoe souriante».
Au début de la période Shinto (début du 17ème siècle), un fabricant d’armures célèbre appelé Kotetsu Okisato était en particulier connu pour la solidité de ses casques. Cependant, âgé de 50 ans, il décida qu’il ferait mieux de fabriquer des sabres pour couper que des casques à couper. Il excella aussi dans ce domaine, inspirant les éloges de Yamada Asaemon, un bourreau et testeur de sabre professionnel pour Kotestsu, qui déclara que sa lame, faite par Kotetsu, était l’une des plus tranchantes qu’il ait jamais utilisée. À cette époque, les lames d’un autre forgeron, Kanefusa, étaient aussi très réputées pour leur tranchant.
Vers la fin de l’ère edo (début du 19ème siècle), un forgeron du nom de Yamaura Minamoto no Kiyomaro, considéré comme un génie à son époque, avait développé des lames solides, tranchantes et néanmoins belles. Il est dit qu’à l’âge de 42 ans, après avoir subi une attaque cérébrale, il réalisa qu’il ne serait plus capable de forger de bons sabres à nouveau et se suicida. Le frère ainé de Kiyomaro, Saneo, était aussi son élève le plus avancé, ses sabres ont laissé les records les plus impressionnants de tests de coupe sur des matériaux durs comme des casques, tsuba, cornes d’animaux et fer forgé.
De nombreuses histoires et records relatifs à la coupe sur casque s’étendent des périodes Genji et Heike de l’ère Gempei (12ème siècle) jusqu’à nos jours. En 1336, Ashikaga Takauji, après avoir été vaincu, décida qu’il devait se procurer un bien meilleur sabre. Pour évaluer la qualité du sabre, il commanda deux armures complètes et un casque, fabriqués uniquement dans le but de tester la lame. Les deux armures furent placées l’une dans l’autre verticalement, le casque positionné au dessus, dans un but de réalisme. Le test fut effectué avec une lame forgée par Kanemitsu. Ashikaga Takauji était si satisfait du résultat qu’il emmena Kanemitsu avec lui à Kyushu. Plus tard, Ashikaga, avec l’aide de Yoshisada Nitta, parvint à renverser le gouvernement Kamakura. Ashikaga Takauji devint finalement shogun.
Au début du 17ème siècle, un testeur de sabre du nom d’Ito Banzaemon avait commandé plusieurs sabres au forgeron Hokinokami Nobutaka. Cependant, après avoir testé les lames sur des casques, il s’aperçut qu’aucun n’était capable de les trancher. Ito Banzaemon, empli de colère et de frustration, vociféra au forgeron «Soit tu fabriques un sabre capable de fendre un casque... soit tu te suicides !» Le forgeron déposa une feuille de papier de riz humide par-dessus le casque et demanda à Ito Banzaemon de recommencer. Cette fois, la lame passa au travers, ne dérapant pas comme précédemment.
En 1853, un test de casse de sabre approfondi fut conduit par Shishu Matsuhiro-han dans la préfecture de Nagano, sous la direction de la famille Sanada. Le test fut effectué en présence de trois observateurs et quatre Ometsuke (examinateurs officiels). Pour ce test, sept sabreurs furent recrutés pour casser 12 sabres afin de déterminer le meilleur. Ce fut le sabre fabriqué par Yamaura Minamoto-no-Saneo qui sortit champion. Sur les 12 articles utilisés l’un après l’autre pour tester chaque lame, le septième était un casque appartenant à Kahei. Dans le cas de ce sabre, aucune entaille ne fut faite sur le casque, tandis que la lame fut tordue lors de l’impact.
Un sabre forgé par Izumi-no-kami Kanesada portait une inscription à côté de la signature indiquant que le sabre avait passé avec succès le test de kabutowari. La lame, un wakisashi de 52,9cm appartenait à Saigo Takamori, un des trois révolutionnaires célèbres du 19ème siècle qui ont participé au passage du gouvernement Edo au gournement Meiji. Une autre lame de la même époque portait une inscription similaire, «kabutowari», à côté de la signature. Cette lame fut forgée par Izumi-no-kami Tadashige et appartenait au célèbre assassin professionnel, Tanaka Shinbei.