Cette page reprend une longue interview qu'Obata sensei a donnée en octobre 1996, quelques années après la création de la Fédération Internationale de Shinkendo. On y trouve une mine d'informations sur la naissance de l'escrime japonaise morderne et son évolution, ainsi que le contexte qui l'a mené à la création du Shinkendo.
Histoire de l’escrime japonaise
Après la bataille de Heiji No Ran en 1159, le clan Heike vainquit le clan Genji. Le chef du clan Heike, Taira No Kiyomori reprit les fonctions de l’empereur et instaura un système politique semblable à la noblesse. Contre ces changements, les Genji se révoltèrent. En mars 1185, Minamoto No Yoritomo conduit la révolution qui provoqua définitivement la chute du clan Heike. Il devint ensuite le premier Shogun en 1192 et établit le gouvernement Kamakura. Ce gouvernement était fait par et pour les samurai et se révélait être un gouvernement basé sur le Bujutsu et l’esprit.
L’étude spirituelle des samurai de l’ère Kamakura consistait en l’étude du Rinzaishu Zen, qui était une religion de prédilection – à la fois préférée et protégée par le second Shogun (Minamoto no Yoriie) ainsi que le troisième Shogun (Minamoto no Sanetomo). Cette secte Zen était populaire auprès de tous les samurai de haut niveau. Sa pratique enseignait à chacun à se comprendre soi-même et d’atteindre l’illumination, assis, en répondant aux questions d’un moine. Plus tard la secte Sotoshu Zen se développa, sa pratique consistant à s’assoir et laisser l’esprit se vider de tout, état propice à l’illumination. Le Sotoshu Zen devint d’abord populaire dans le nord du Japon puis se diffusa dans le reste du pays.
L’ère Sengoku fut une période de guerre, qui vit l’émergence de trois héros exceptionnels : Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu. Ces trois hommes ont permis l’unification du pays. C’est aussi à cette époque qu’eut lieu la Gekokujo (revolte), entre les officiers de rang inférieur et leurs supérieurs dans le but d’usurper leurs rangs et leur pouvoir. Cependant, même pendant cette période de révolte, la stratégie et les principes de l’art de la guerre du Bushido étaient extrêmement importants. Tout au long de l’histoire, une forme de Bushido a existé et a été vénérée.
L’ère Edo quant à elle marqua le début d’une période de paix de 265 ans, et les concepts du Budo commencèrent à changer. À ce moment-là, il existait 200 kenjutsu ryu-ha (style de sabre traditionnel) célèbres, et plus de 3000 ryu moins connus. Le Budo n’avait plus rien à voir avec le fait de gagner une bataille, mais s’orientait plutôt vers le développement de l’être et de l’esprit. Dans le Budo, le but était de devenir fort et efficace, et, en résultat d’un entraînement chevronné, l’être et l’esprit se développaient également. Il ne faut pas confondre la force avec la violence. L’objectif lors de l’entraînement est de faire attention à son partenaire et de le respecter. Dans le cas contraire, vous et votre partenaire en subiriez les conséquences, provoquant des blessures qui entraveraient votre entraînement.
En 1867, la chute du gouvernement Tokugawa entraina la fin du règne des guerriers. À partir de 1868, l’ère Meiji apporta un afflux de civilisation et de culture occidentale, et en 1876, le Haitorei fut proclamé, interdisant le port des sabres aux samurai en public. Le sabre n’était plus le symbole des samurai. De moins en moins de gens pratiquèrent l’art du sabre, jusqu’à ce qu’il devienne obsolète et que de nombreuses Ryu disparaissent. Ce fut le début d’une période pendant laquelle l’art du sabre ne fut plus l’exclusivité de la classe des samurai (Bushi), et n’importe qui pouvait apprendre à se servir d’un sabre. Par la suite, cette période vit la naissance de nombreux groupes de Iaido basés sur le Seiza (position assise). Ceci était un signe du passage de «jutsu» à «do», le bujutsu devenant le budo, le kenjutsu devenant le kendo et le jujutsu devenant le judo.
Après la défaite du Japon lors de la deuxième guerre mondiale, les arts martiaux furent interdits. Le concept de Budo changea complètement, et ne fut plus à proprement parler un art efficace de combat, mais évolua en un art plus spirituel, dépourvu d’agressivité.
Interview de Toshishiro Obata Soke
L’entretien suivant a été conduit et traduit en anglais par Sachiko Kunisawa, en réponse à des questions fréquentes...
Nakamura Taizaburo sensei
La sixième année de l’ère Meiji (1873), l’armée fonda la Rikugun Toyama Gakko (une école militaire située à Toyama, Tokyo). Entre autres techniques traditionnelles, le gunto soho, l’utilisation du sabre des officiers, était enseigné. Il s’agissait d’un entraînement accéléré pour apprendre aux officiers à se servir d’un sabre de manière efficace en très peu de temps. Plus tard, la dixième année de l’ère Showa (1925), les techniques ont été affinées pour créer la Toyama Ryu. Il n’y avait que sept techniques simples mais pratiques dans le curriculum de la Toyama Ryu. Nanpo Kirikomitai Budo Kyokan (Instructeur d’attaque au sabre). Après la fin de la guerre, il continua à effectuer des démonstrations de Tameshigiri. Malheureusement, Nakamura sensei fut sanctionné par le public, ce dernier pensant qu’il n’avait des compétences que dans la manipulation du sabre.
Comme la paix se prolongeait, de nombreux pratiquants d’arts martiaux commencèrent à réexaminer ce Budo moderne, non-combatif, et remirent en question son efficacité. Nakamura sensei continuait à ce moment-là à diffuser à la télé ses démonstrations de Tameshigiri et le public commença à y porter attention. Différents styles de Kobudo furent également introduits, et lors d’une démonstration lors du Houno enbu (en l’honneur du temple Meiji), de nombreux instructeurs venant de tout le Japon participèrent. Bien que chaque groupe se vante d’une longue histoire et d’une tradition, la plupart des styles se ressemblaient, et il était peu probable que les techniques montrées aient pu être utilisées réellement par des samurai dans une bataille.
Pour une quelconque raison, certains styles ont apporté à leurs techniques un aspect «Zen» et ont rendu les mouvements lents, loin de ce qu’aurait pu pratiquer un guerrier. Le Zen est une étude spirituelle, pas une forme de Budo.
À cette époque, j’étais Uchideshi (disciple à demeure) au Yoshinkan Aikido honbu dojo. Je participais à une démonstration de Budo, dans laquelle je montrais de l’Aikido. Maître Nakamura faisait également une démonstration. Bien qu’il ait déjà la cinquantaine, il y a avait toujours de la puissance et de la concentration dans ses coupes et cela retint mon attention. Je me demandais à quel point il pouvait être rapide dans sa jeunesse. Lors de cet événement, Nakamura sensei apportait son propre matériel pour le tameshigiri et assurait lui-même la préparation et le nettoyage. Je pensais alors que j’aimerais bien étudier auprès de lui si l’occasion se présentait, aussi je me proposais pour l’aider.
Dès lors qu’il était interdit pour un Uchideshi au Yoshinkan de pratiquer toute autre discipline, ce n’est que lorsque que je quittais le Yoshinkan pour rejoindre la Wakakoma que j’ai pu étudier avec Nakamura sensei. Je n’ai jamais manqué un de ses stages. Souvent, on y rencontrait des sabreurs qui pratiquaient des techniques de Iaido (assis en seiza). Je trouvais amusant que Nakamura sensei leur demande pourquoi quelqu’un voudrait être assis avec un sabre long (surtout qu’un véritable samurai n’aurait jamais porté son sabre à l’intérieur, cela étant impoli) et qu’aucun ne savait répondre. Ces techniques se sont transmises d’instructeurs à instructeurs jusqu’à ces pratiquants, et on devine aisément que quelqu’un à un moment ou un autre les avait modifiées, ce qui est décevant.
Toyama Ryu Soke
Je pense qu’un Soke (fondateur ou chef instruteur) a bien sûr le droit d’apporter des modifications à un art, cependant, il arrive que les changements soient si fréquents, que les techniques originales ne sont même plus reconnaissables. Maître Nakamura fut critiqué exactement pour cette raison lorsqu’il a commencé à pratiquer l’Omori Ryu en commençant debout, alors qu’elle avait été développée comme un ensemble de techniques commençant en seiza (assis).
Il y a plusieurs années, Victor Figueroa a écrit dans une newsletter du Iaido que « La Toyama Ryu d’Obata n’est pas la Toyama Ryu». Tout ce que je peux dire, c’est que ce n’est pas sa faute s’il n’est pas au fait des différentes modifications qu’on subit les kata de la Toyama Ryu à travers les années. Je pense qu’il est de la responsabilité de son instructeur de diffuser des informations précises sur son art, et ça ne m’interesse pas de défendre ma position.
Au Japon, quand les arts martiaux sont enseignés, personne ne remet en cause son instructeur. Il est considéré comme vertueux et honorable de ne jamais remettre en question ou douter de votre instructeur. Comme les nouveaux pratiquants sont débutants et ne savent pas reconnaître une bonne technique d’une mauvaise, cela devient une tragédie lorsqu’un étudiant a un instructeur mal renseigné.
Dans les arts martiaux traditionnels, l’art est transmis en regardant votre instructeur et en mimant ses mouvements. Les techniques ne sont pas mémorisées, mais emmagasinées dans le corps par un entraînement assidu, jusqu’à devenir une seconde nature. Votre corps devrait pouvoir réagir sans réfléchir à une menace réelle. Vos sens deviennent affutés, et vous créez des variations, afin de maintenir l’esprit et le corps en alerte. S’entrainer sans variation ne peut pas mener à un art vivant et dynamique, mais encourage l’art à stagner, et risque de provoquer l’introduction de techniques faibles ou incorrectes aux générations futures.
Pendant les stages de Nakamura sensei, j’étais en permanence occupé à aider les autres instructeurs. J’étais inquiet que ces enseignants risquent de se blesser eux-mêmes, et effectivement nombre d’entre eux heurtaient le sol avec leurs sabres, incapables de se contrôler et d’arrêter leurs mouvements. Certains avaient une manière de tenir le sabre si laxe qu’il arrivait que le sabre leur échappe des mains. Faire une erreur lors d’un entraînement est compréhensible, c’est pour cela que l’on appelle ça un entraînement, mais la sécurité devrait toujours être la priorité «numéro un». Même Nakamura sensei s’est blessé plusieurs fois avec son propre sabre, ce dont il fait état dans son livre. De mon avis, une blessure ne peut être que le résultat d’un entraînement insuffisant ou d’une technique incorrecte.
C’est vraiment une honte lorsque des instructeurs seniors prétendent savoir ce qu’ils font ou vantent leur habileté, alors qu’ils manquent de la moindre compréhension de la manipulation d’un sabre. Il y a des personnes partout dans le monde qui créent leur propre style, et, ironie du sort, ce sont les mêmes individus qui finissent par se blesser eux-même ou par blesser leurs étudiants.
Alors que j’étais un des plus jeunes participants dans ces stages, beaucoup d’instructeurs plus âgés me demandaient des conseils, ce pour quoi je les admirais. Au Japon, un proverbe dit : «Kiku wa ittoki no haji, kikazaru wa issho no haji» ce qui peut se traduire par : «prétendre comprendre et ne pas demander de l’aide amène la honte pour le reste de la vie». Cela correspond à notre proverbe : «Il vaut mieux poser la question et passer pour un idiot une fois, que rester idiot toute sa vie».
Je ne participais pas aux stages à proprement parler, je finissais souvent par regarder et étudier les mouvements et styles des autres pratiquants, apprenant ce qui était efficace et ce qui ne l’était pas. Plus d’un instructeur venait me voir à la fin d’un stage en se plaignant de la mauvaise qualité de son sabre, ce à quoi je répondais par une démonstration de coupe. Les sabres étaient en général de très bonne qualité et j’étais toujours capable d’effectuer des coupes nettes avec chaque sabre, découvrant ainsi que les sabres étaient très bien affutés et que le problème venait du pratiquant qui le maniait.
Tatami Omote
Il y avait à côté de chez moi un magasin de tatami auquel j’allais pour récupérer les surplus, que j’utilisais pour m’entrainer. J’utilisais cela à la place de la paille (wara) qu’il était difficile de trouver en plein Tokyo. J’ai commencé à utiliser des tatami omote (la couche du dessus d’un tatami) que je roulais et trempais pendant quelque temps. Cette méthode est très différente de l’utilisation des tatami entiers, qui étaient utilisés pendant l’ère Edo. Auparavant, les sabres étaient «testés» sur les champs de bataille, mais en période de paix, les cadavres des condamnés à mort étaient utilisés à la place. Comme il n’y eut que quatre éxécutions publiques pendant cette période, les testeurs finirent par trouver une alternative pour s’entrainer et commencèrent à couper des tatami.
La paille et le bamboo étaient utilisés pour simuler la chair et les os. Cependant, Je trouve que l’utilisation des tatami omote donne une sensation plus ferme, plus solide, à la cible. Je conseille de ne pas utiliser n’importe quoi comme cible, et en particulier je trouve indigne que des gens utilisent des fruits, par exemple des pastèques, dans les démonstrations. D’abord, un sabre n’est pas juste une arme, mais un symbole spirituel du samurai. Ensuite, le sucre endommage les sabres. Pourquoi utiliser un sabre, là où un couteau ferait l’affaire ? Mon avis est que ce type de comportement s’apparente plus à un spectacle de rue et non à une démonstration d’arts martiaux.
Je ne conseille pas non plus d’utiliser des matériaux trop durs. Pourquoi risquer d’endommager un sabre ? Il n’y a aucune raison d’endommager un sabre, d’autant plus si c’est un sabre de collection. Ce n’est pas la même chose lorsqu’un shitoka (testeur de sabre professionnel) coupe des matériaux durs afin de tester la sécurité et l’efficacité d’un sabre.
Pour certains, les tests de coupes ne sont absolument pas nécessaires. Mais, je leur pose la question : comment quelqu’un peut-il être sûr de sa technique tant qu’il ne l’a pas mise à l’épreuve ? C’est comme si quelqu’un tirait au revolver sans cartouche. Personne ne peut évaluer ses compétences sans preuve concrète.
Comme je continuais à utiliser des tatami omote, cela fut adopté (sur ma suggestion) pour les démonstrations de la Wakakoma, puis plus tard pour les tournois de battodo (par rapport à la consistance des cibles et la facilité du nettoyage). Rapidement, les tatami omote sont devenus le standard dans toutes les compétitions de coupe et l’entraînement (tameshigiri). Contrairement à la croyance populaire, l’utilisation des tatami omote N’EST PAS une cible traditionnelle, mais un matériau adopté par la communauté du sabre suite à mes propres expérimentations.
Le seul point négatif des tatami omote est que le morceau coupé a tendance à ne pas rester en place contrairement aux cibles en paille (wara). Le tatami omote est plus lourd et la surface de coupe est trop régulière pour que le morceau reste, à moins qu’un sabre exceptionnellement fin ne soit utilisé, comme ceux dont l’utilisation s’est répandue dans les compétitions de coupe récentes.
Le background du Battodo
Le Gunto soho (technique de sabre de l’armée) a été d’abord developpé comme un ensemble de techniques militaires. Par la suite le nom fut changé en Toyama Ryu Iaido, et enfin en Zen Nippon Battodo Renmei. Cela pour plusieurs raisons, avec entre autres le souhait d’ouvrir les compétitions de coupe à d’autres sabreurs que ceux de la Toyama Ryu. Nakamura sensei voulait changer ce nom, parce que «Toyama Ryu» était le terme utilisé pour le style de l’armée. Nakamura sensei n’était pas particulièrement haut-gradé dans l’armée, et certains l’accusaient de vouloir utiliser le nom «Toyama Ryu» pour son profit.
Il y eut beaucoup de discussions à propos des noms potentiels, et je me souvins de l’ancien nom de la manipulation du sabre, «iaibattojutsu». «Iai» était devenu «Iaido», et suivant cette idée, je suggérai «battodo». Ma proposition fut acceptée et je fus récompensé du titre de membre à vie de la Zen Nippon Battodo Renmei. Peu de temps après, le premier tournoi de coupe fut organisé.
Dans le tournoi, il y avait plus de deux-cent participants. La compétition consistait en des kata, mettant en avant une réalisation digne des techniques, et des tests de coupe, pour lesquels la précision et la quantité de coupes étaient jugées. J’ai gagné le tournoi de battodo deux années de suite, puis le tournoi de Ioriken Battojutsu (basé sur la vitesse et la précision) quatre années de suite.
Je reçus un Menkyo Kaiden du Ioriken Battojutsu, et Nakamura sensei me récompensa d’un Beikoku Battodo Renmei Honbu (USA Battodo Federation Headquarters), un Toyama ryu Battojutsu beikoku Honbu (USA Toyama ryu Headquarters), ainsi qu’un USA Nakamura ryu Honbu lors de mon départ aux états unis (Une copie des rouleaux de Nakamura sensei est reproduite dans le livre "NAKED BLADE").
À ce moment, j’étais 5ème dan de battodo, à une époque où l’attribution des dan était très stricte. C’était un honneur pour moi de recevoir un tel grade, et j’étais le premier pratiquant de ma promotion à le recevoir. Je pense que ma décision de partir aux états unis et mes nombreuses disctinctions ont joué dans la décision de Nakamura sensei de me donner ce dan.
Par la suite, Nakamura sensei reçut un grade 10ème dan de battodo du Kokusai Budoin et peu de temps après ces grades furent plus facilement distribués. Bien que le battodo fût basé sur la Toyama Ryu, Nakamura sensei ressentit le besoin de diffuser le battodo en acceptant des pratiquants venant d’autres arts, sans tenir compte de leurs manque de connaissances dans l’art et les techniques de la Toyama Ryu. J’ai entendu parler d’un instructeur de karate d’une université qui a reçu un 9ème dan honorifique, ainsi que d’étudiants recevant des 3ème dan dans leur première année de pratique. Ces promotions étaient données aux instructeurs responsables uniquement pour diffuser l’enseignement du battodo, de nombreux pratiquants recevant immédiatement des grades par équivalence ou après avoir suivi un stage. Cette profusion de remise de grades détruit complètement les valeurs du système de dan/kyu, en particulier quand ceux qui reçoivent ces distinctions ne comprennent pas que ces grades ne sont qu’honorifiques.
La Toyama Ryu [branche Nakamura] a seulement huit kata et six Kumitachi dans son curriculum, beaucoup de pratiquants se moquèrent de la simplicité des mouvements et mirent en doute l’efficacité au combat. De plus, l’accent fut mis sur les tests de coupe sur tatami omote et les forgerons s’ecartèrent des sabres traditonnels japonais et commencèrent à créer des sabres fins et larges, spécialement conçus pour couper plus facilement ce type de matériaux. Ces sabres risquent de se tordre ou de se casser si quelqu’un essaie de couper du bamboo avec...
Show Biz
Après y avoir été Uchideshi pendant 7 ans, je quittai le Yoshinkan dojo pour rejoindre la Wakakoma. J’avais rencontré M.Hayashi de par son lien avec Nakamura sensei, étant l’un de ses metteurs en scène. Nous entretenions d’excellents rapports et il me demandait souvent des conseils pour ce qui avait trait aux arts martiaux. En tant que chef des coordonateurs d’action pour les productions Wakakoma, M. Hayashi me proposa de le rejoindre à la Wakakoma. J’étais Shihan pour les arts martiaux dans le dojo de la Wakakoma. Cela me permit d’apprendre le métier de tateshi (coordonateur d’action) ainsi que de poursuivre mon apprentissage du sabre.
J’étais le spécialiste de l’Aikido, et peu de temps après mon arrivée, je fis la remarque que puisque M.Hayashi était notre instructeur, nous devrions nous adresser à lui en utilisant «Hayashi sensei». De ce jour, tout le monde l’appela «Hayashi sensei». Le studio devint plus traditionnel et plus sérieux, même si les actions de film restaient amusantes. C’était un tout nouveau monde pour moi, le travail se confondait avec le jeu : Natation, plongée, équitation...
Même si je ne me serais jamais opposé à l’un de mes supérieurs, je fis quelque chose qui pouvait être considéré comme un acte de rébellion. Je voulais que Hayashi sensei arrête de fumer, aussi je lui dis que j’étais prêt à quitter la Wakakoma s’il n’arrêtait pas. À ma grande surprise, il accepta promptement et arrêta de fumer, ce qui me fit vraiment plaisir.
Hayashi sensei était un coordonateur d’action réputé et il travaillait pour la majorité des séries télévisées pour le réseau «NHK». Il souhaitait intégrer plus d’arts martiaux dans les films d’action et les rendre plus réalistes. J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir travailler avec lui, et j’ai retiré une grande expérience de mon travail à la Wakakoma.
La création du Shinkendo
Alors que j’étais aux États-Unis, j’entendais toujours parler du mécontentement de l’organisation du Battodo au Japon. Le Battodo était très important pour moi, et j’étais déçu que si peu de gens connaissent l’histoire et les objectifs de son enseignement. Je voyais les changements dans l’organisation mais je ne pouvais pas changer leur philosophie; et ce n’aurait pas été approprié de le faire. Même si je respectais le fait que Nakamura sensei suive son idée qu’un sabre était un objet que l’on devait utiliser et non pas une décoration, je sentais qu’il y en avait d’autres dont la technique était supérieure et qu’il était temps pour moi de partir. Aussi je choisis de suivre la règle du «Shu Ha Ri», et de me séparer de l’organisation. Cela signifie que je conserve les fédérations aux États-Unis aussi bien pour le Battodo que pour la Toyama Ryu, mais que nous fonctionnons indépendamment de l’organisation Japonaise.
Je me souviens, étant enfant, lorsque je vagabondais dans les montagnes où j’ai grandi. Mes «jouets» étaient des hachettes et des pioches. Plus tard, je commençais ma carrière d’artiste martial et poursuivis plusieurs voies. J’ai appris la vitesse du Kendo, les kata à deux de la Yagyu Shinkage ryu et de la Kashima Shin ryu, la puissance de la Jigen ryu, la précision du Ioriken Battojutsu, les mouvements du corps du Ryukyu Kobudo, l’équilibre de l’Aikido et l’expérience des tournois de Battodo. Chaque art a ses bonnes pratiques, et je les ai inclues dans le Shinkendo. «Gaiden» est un terme qui fait référence à une technique venant d’une autre école. Je continue à enseigner la Toyama ryu dans ma fédération de Shinkendo; cependant sous la forme de Shinkendo Gaiden Toyama ryu.
«Ju yoku go o seishi. Go yoku ju o tatsu. Hike ba ose, ose ba maware». Ce qui est souple contrôle ce qui est dur. Ce qui est dur tranche ce qui est souple. Si on te tire, pousse. Si on te pousse, tire. Ces éléments sont ceux que j’ai cherché à intégrer en développant le Shinkendo, réunissant le meilleur de chacun des styles que j’ai pratiqué, construisant à partir du concept basique «Go, Ju, Ryu, Ki, Rei», afin de créer une technique réaliste raffinée et teintée par le système féodal des samurai.
Le système des dan/kyu n’est pas utilisé dans le Shinkendo, les grades sont basés sur un ancien système qui était utilisé à l’ère des samurai. Les pratiquants sont subdivisés en trois groupes : Seito, Deshi et Kyakubun. Aucun grade honorifique n’est délivré ni même autorisé sous ce système.
Le quartier général du Shinkendo, ou «Honbu» est situé à Los Angeles, Californie. Lentement et posément, un style de sabre méticuleux se diffuse à travers le monde par les instructeurs et pratiquants de Shinkendo.
Je voudrais que les gens apprennent des techniques réalistes, la sécurité, des angles de coupe corrects, une manière de tenir le sabre correcte, et de contrôler le sabre de manière efficace. De plus il faut maîtriser les suburi, kata, battoho et tachiuchi, le travail des déplacements des jambes et du corps. Les tests de coupe ne sont pas un but...
Une assimilation totale et complète du sabre, de l’entraînement et des concepts devrait être atteinte avant d’utiliser un vrai sabre. J’ai toujours été inquiet des nombreux accidents et blessures en relation avec des démonstrations de sabre. Les accidents tels que mains ou doigts coupés, les poignardages que les gens s’infligent ne devraient pas faire partie d’une pratique normale du sabre, ou être considérés comme «marque de Shugyo», mais compris comme étant le résultat d’un enseignement ou d’un entraînement inadéquat.
J’ai récemment entendu parler d’une démonstration où un sabreur avait un assistant pour l’exécution (couper des radis posés sur sa nuque), et l’assistant avait été grièvement blessé. Ce genre d’affichage immoral et imprudent montre un total manque de respect pour l’art du sabre, et tient du numéro de cirque. La manipulation du sabre est un art, et devrait être abordée avec la plus haute dignité et respect.
Les techniques ont besoin de temps pour se développer et mûrir, et une des qualités principales que je recherche chez mes étudiants est leur esprit de «Jinsei Shinkendo» (Le Shinkendo c’est la vie / la vie c’est le Shinkendo). En d’autres termes, appliquer les valeurs et enseignements issus du Shinkendo dans la vie de tous les jours, et utiliser les expériences de la vie pour mieux comprendre le Shinkendo. Les étudiants qui s’efforcent de s’améliorer à travers l’auto-critique et s’appliquent à atteindre leur but sont ceux dont je souhaite qu’ils diffusent l’art.
Les préceptes que j’ai utilisés pour former le Shinkendo sont universels. Le Shinkendo offre aux gens la possibilité de se connecter à l’échelle mondiale avec ceux qui étudient le sabre japonais. C’est l’occasion de pratiquer une méthode solide, de vivre une vie sérieuse et d’entrainer l’être et l’esprit tout en respectant la nature et en promouvant la paix.
Le terme Shinkendo a plusieurs significations, en fonction des kanji utilisés pour écrire chaque caractère. «Shinken» est le terme désignant un vrai sabre; cependant, «Shin» peut aussi se traduire par «vrai» ou «sérieux» (ici, le terme «Shinkendo» prend le sens de «vivre votre vie sérieusement et pleinement»); «Shin» peut aussi vouloir dire «être» ou «esprit», et cet art vous permet de développer les deux; «Shin» peut encore vouloir dire «dieu», en cela que nous devrions respecter notre monde et la nature, et adhérer à la paix mondiale.
Le Shinkendo n’a pas à s’arrêter à la porte du dojo, mais doit être vu comme un chemin à suivre, une stratégie à appliquer à votre vie et ses activités de tous les jours. C’est pour cela que cet art a été créé. J’ai fondé la Fédération Internationnale de Shinkendo pour promouvoir ces idéaux, parce que la vérité appelle la vérité...
Soke Obata Toshishiro, octobre 1996.